mardi 26 avril 2016

Retrospective de l'oeuvre de Gérard Fromanger au Centre Pompidou

Retrospective de l'oeuvre de Gérard Fromanger au Centre Pompidou 



Peinture-Monde, Blanc de titane, 2015

Gérard Fromanger est un artiste contemporain né en 1939. S'inspirant du célèbre Alberto Giacometti, sa peinture va se rapprocher de la figuration narrative à partir des années 1960. Particulièrement reconnu pour son engagement en Mai 68, ses opinions se font extrêmement ressentir dans son art et notamment dans plusieurs séries telles que "Boulevard des italiens", "Le peintre et le modèle" ou "annonce de la couleur". Des philosophes tels que Gilles Deuleuze et Michel Foucault vont alors devenir ses critiques. Gérard Fromanger considère l'amitié des poètes, des philosophes, des écrivains, des peintres et des sculpteurs, des cinéastes, des musiciens, des architectes comme élément moteur de son processus de création. 


Sa peinture témoigne de sa grande aptitude à transmettre l'actualité la plus brulante et également les profonds changements de la société. L'une des plus grandes caractéristiques de l'esthétique de son travail est la couleur qu'il utilise énormément dans ses tableaux. 
Le Centre Pompidou et le commissaire d'exposition Michel Gauthier nous présente une retrospective composée d'une cinquantaine d'oeuvres datant de 1957 à 2015. L'exposition joue avec les thématiques de l'artiste : une salle est consacrée à sa série de rouge, une autre aux médias, ainsi qu'une aux codes couleurs ... Il y a cette toile au début de l'exposition, Peinture-Monde, Carbon Black, 2015, avec un bateau de migrants et au loin une foule de passants. Ils sont comme couchés sur la toile. Ne retranscrit-il pas ici une réalité de notre époque contemporaine ? Des images sans cesse retranscrites dans les médias comme du papier-calque ? 

 Peinture-Monde, Carbon Black, 2015


"Je viens après Cézanne, après les nabis qui ont dit : La peinture, ce n'est pas une fenêtre ouverte sur le monde ; la peinture, c'est une surface plane. Tout l'art moderne est basé la-dessus. Souvenez-vous de cette phrase de Mai 68 : Soyons réalistes, demandons l'impossible. Moi je dis : Soyons impossible, demandons la réalité. Et la réalité, c'est une surface plane, il faut faire avec."
Gérard Fromanger 


Michel Foucault avait écrit un texte limpide sur l'artiste et disait de lui que le peintre "passe" les images ; "La peinture comme fronde à images.". C'est à ce moment là que l'on s'imagine le peintre armé de ses pinceaux comme d'un lance-pierres, jeter formes et couleurs, captant le réel pour l'envoyer sur sa toile. Pour capter le réel, il utilise la photographie (qu'il ne prend pas lui même) et plus particulièrement un outil appelé épiscope (une sorte de rétroprojecteur qui reproduit les images sur la toile, qu'il détourne au crayon pour peindre plus tard). Grâce à cette technique, la peinture ne dégouline plus, comme dans Mon tableau s'égoutte, 1966.


Mon tableau s'égoutte, 1966


En Mai 68, l'artiste redonne à la peinture une fonction politique et se rapproche de la figuration narrative (retour du figuratif contre l'abstraction)"On avait parlé à Godard de mes coulures rouges sur le drapeau et il a voulu me rencontrer. Il m'a invité chez lui et s'est assis à côté de moi. Il m'a fait attendre une heure en silence complet. Soudain, il m'a demandé : Comment tu as fait ? C'était très intimidant", cite l'artiste. 


Le drapeau, 1968


"Quand il a vu le rouge déborder sur le blanc, il était totalement bouleversé. Il m'a dit : Tu veux pas faire du cinéma ? Et le lendemain, on a fait le petit film, Film-tract n°1968."  Ce film de trois minutes muettes en 16 mm est d'une beauté symbolique de par sa diffusion forcément confidentielle, là où des activistes d’aujourd’hui en auraient fait un GIF animé qui aurait abondamment tourné sur les réseaux sociaux ... Une autre époque ! 


Film-tract n°1968



Au delà de son exposition très réussie au Centre Pompidou, ces coulures rouges débordant sur le drapeau français aujourd'hui, ne peuvent que nous faire penser aux événements du 13 novembre. Le peintre commente que "c'est une histoire très moche et triste pour la France aujourd'hui" et s'emporte en disant de "ne pas plonger dans le mal, dans l'horreur de ces connards de terroristes (...), de ces pisse-froid qui disent que tout va être pire. Il faut en profiter, car cela ne dure pas."




Gérard Fromanger - Centre Pompidou
Jusqu'au 16 mai 2016




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